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{Revue} À la française, Sébastien Kardinal

Crédit photo: Laura VeganPower

  Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un livre de cuisine, certes sorti il y a déjà quelques mois et dont les revues abondent sur la blogosphère. Toutefois, son thème et sa démarche s’inscrivent dans une idée qui m’est chère: la cuisine végane n’est pas rupture, mais continuité. Classée au patrimoine de l’UNESCO et traditionnellement carnée, avec des légumes qui servent de mise en valeur et non d’élément principal dans l’assiette, la cuisine française semblait incarner le dernier bastion intouchable. Ce qui, pour un public attaché à cette tradition par les souvenirs d’enfance ou une affection particulière, constituait la preuve que l’on tirait un trait sur un aspect culturel honorable et important en excluant les produits animaux. L’ouvrage de Sébastien Kardinal vient donc à point nommé pour défaire ce sentiment chez les sceptiques et rassurer ceux qui, même véganes, ne songeaient aux plats de leur enfance qu’avec une pointe de regret.

  Co-auteur de VG-Zone, site bien pensé et bien fourni, après la publication d’opus aux titres évocateurs (Certains l’aiment cruStreet Food Culture) et en collaboration avec sa compagne Laura Veganpower à qui nous devons un travail photographique de grande qualité, Sébastien Kardinal se lance en effet le défi d’établir un livre de recettes françaises dans le respect de la tradition. Publié chez la collection V de l’Âge d’Homme, ce ne sont pas moins de 40 recettes inédites qui nous ici présentées, chacune accompagnée d’une photo. Un choix éditorial que je ne peux m’empêcher d’apprécier tout particulièrement: je trouve en effet très agréable de pouvoir se représenter le résultat final et d’avoir une suggestion de présentation du plat. Cela permet également d’attirer l’oeil sur toutes les recettes et de mettre à l’honneur l’élément central tout comme la garniture.

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Tofoie gras à la truffe noire, crédit photo Laura Veganpower pour À la française

  À la française est un recueil de recettes exclusivement salées, partagées entre EntréesPlats principaux et Garnitures. En feuilletant le livre, force est de constater que la carte de France a été en effet quadrillée et que les spécialités locales les plus connues sont bien représentées: du « boeuf » bourguignon au cassoulet toulousain en passant par la quiche lorraine, il est difficile de ne pas y trouver au moins un plat qui ne vous tentera pas. Voici un échantillon des recettes: salade niçoise, choucroute garnie, gratin dauphinois, hachis parmentier, blanquette, mais aussi des créations plus audacieuses, comme la fondue savoyarde, le tofoie gras aux truffes ou l’étonnant Steak à la Bercy! Comme mentionné ci-dessus, les garnitures ne sont pas non en reste et le tian de légumes, les pommes darphin ou les spaetzle alsaciens sauront sans nul doute tout aussi séduisants.

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Boeuf bourguignon revisité, crédit photo Laura Veganpower pour À la française

  Un autre point fort de ce livre est qu’il offre une réponse aux détracteurs des simili-carnés et autres substituts et cette question souvent entendue: « Je ne comprends pas pourquoi vous désirez imiter la viande…Si vous choisissez de manger végétalien, ce n’est pas pour imiter les plats omnivores, non?« . Outre le caractère extrêmement ludique de ces substituts qui permettent de réaliser un plat savoureux de façon abordable (tant par leur prix que par l’exécution de la recette elle-même), ils permettent de ne pas rompre avec un patrimoine qui, une fois mis de côté l’exploitation animale, reste raffiné et digne de rester au sein des repas, sinon du quotidien, un peu spéciaux et festifs. Il ne s’agit pas de combler les besoins d’une personne qui serait hypocritement « en manque » de produits animaux, mais de mettre en valeur d’autres produits avec des qualités qui leur sont propres et ne sauraient être seulement considérés comme des ersatz.
  Par ailleurs, ce fameux manque est bien davantage celui de ces plats et de leur charge émotionnelle que d’une viande ou d’un lait finalement très abstraits dans leur aspect, sans lien avec l’apparence de l’animal dont ils sont issus…Aussi la possibilité de maintenir une continuité avec ces souvenirs et ces bons moments clé en main me semble une véritable bonne nouvelle.

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Steak à la Bercy, crédit photo Laura Veganpower pour À la française

  J’ajouterai enfin que ce livre permet de réconcilier les cuisiniers un peu timides à l’idée de s’essayer à la gastronomie française: tout le monde ne peut pas être Michel Bras ou Cyril Lignac, mais tout le monde peut réaliser des plats traditionnels et les réussir, sans difficulté.

  Sébastien Kardinal signe ainsi un bel ouvrage, que l’on prend plaisir à feuilleter et dont les recettes sont une promesse d’un beau repas (puis-je vous parler avec émoi et la larme à l’oeil du fantastique gratin dauphinois que je vous conseille de tester sans plus attendre?). À l’heure où l’on semble déjà commencer à songer à Noël, ses dessous de sapin et autres petits souliers, À la française est une idée de cadeau adéquate pour tous ceux qui aiment la cuisine française dans toute sa générosité.

  Quelques recettes d’À la française à découvrir d’ores et déjà sur internet:
– Tofoie gras à la truffe noire sur 1,2,3 Veggie
– Boeuf bourguignon sur Neo-Planete
– Escargots pleurotes à la maître d’hôtel sur FémininBio
– Blanquette à l’ancienne sur FémininBio
– Gratin dauphinois sur FémininBio
– Fondue savoyarde sur vegemag
  Pour en savoir plus sur le livre et découvrir VG-Zone, c’est iciet vous pouvez également lire une interview de l’auteur sur le livre et le travail derrière les recettes sur Au vert avec Lili.

  Se procurer À la française: en librairie ou sur le site de l’Âge d’Homme

13 réflexions au sujet de « {Revue} À la française, Sébastien Kardinal »

  1. J’ai regardé avec attention les recettes que tu mets en lien.
    Bon, le foie gras j’aime pas ça.

    Mais pour le reste, je bloque COMPLÈTEMENT.
    Peut-être mon autisme qui me fait tiquer à chaque fois qu’on n’utilise pas les bons mots pour désigner quelque chose (une minute de silence pour manifester l’admiration et le respect que mon Viking mérite… ^^ ), peut-être ma passion pour le manger, peut-être mes six ans passés dans les Savoie…
    En tout cas je ne peux pas.

    « La fondue savoyarde », c’est avec du fromage ; pas des farines diverses… Pour moi ça revient à désigner du nom de… De… Bon je ne trouve que des exemples horribles et disproportionnés…
    Enfin bon.
    Peut-être aussi que la fondue se faisant avec des fromages AOP ou AOC à l’origine (donc fromages ayant l’appellation en raison de leur respect d’un cahier des charges strict), dans ma tête la fondue savoyarde est aussi un genre d’AOP…

    Pour le « boeuf bourguignon », idem. Désigner par « boeuf » un bout de tofu, je trouve ça totalement incorrect.
    Ce n’est PAS du boeuf bourguignon. C’est du dérivé de soja sauce au vin, ou façon bourguignon.

    Voilà.
    Pour moi, ça revient un peu au même avec le bazar fait par les amis des animaux par rapport au statut de l’animal : « ce n’est pas un meuble ou un bien immobilier, c’est un être vivant ».
    Pour moi, c’est manquer de respect aux boeufs et désignés comme tels en boucherie, aux origines de la recette, et aux composants de la recette remaniée que d’appeler ça du « boeuf bourguignon ».

    Ensuite, pour le reste, bin… J’ai énormément de mal avec la margarine, je déteste le goût, la texture, etc. Je n’en ai pas dans mes placards ou frigo, je cuisine à l’huile d’olive et parfois au beurre. Je fais aussi un blocage sur ça, pour moi (c’est totalement irrationnel, je sais), cuisiner avec la blinde d’huile d’olive ça va, du beurre, ok, mais la margarine, c’est rajouter beaucoup trop de gras.
    D’ailleurs j’ai de l’huile de tournesol, je m’en sers pour graisser les peaux que je tanne, pour graisser la poêle quand on fait des crêpes, et éventuellement dans mes préparations de pâtes à tartes, crêpes etc, pour pas donner trop de goût…

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  2. Je suppose que tout ressenti est très personnel vis-à-vis de cet aspect, j’avoue que la conservation des noms d’origines pour les recettes ne me choque pas du tout. En premier lieu parce que le livre a pour but de perpétuer une cuisine traditionnelle et s’adresse à tout le monde, pas seulement aux véganes. Et que beaucoup font un blocage sur les simili-carnés, aussi changer le nom en « tofu bourguignon », ou « fondue à base de… » revient à exclure ce public là aussi, et c’est dommage. Par ailleurs, la manière de désigner une recette, même s’il s’agit du nom originel, n’est pas forcément conforme à la vérité ou alors très édulcorée. Si l’on remplace le terme vague de cassoulet par « plat à base de cadavres de divers animaux », tout en restant dans la vérité objective et froidement clinique, le résultat est tout de suite très différent! Aussi les noms conservés des recettes véganisées me semblent-ils tout aussi légitimes.

    J’avoue que la notion de respect du boeuf me laisse un peu perplexe en l’occurrence…Je ne suis pas très sûre que la présence d’un animal dans une recette traditionnelle soit une preuve de respect; « sacralisé » par le patrimoine français ou non, il est tout de même élevé et tué dans le seul but de satisfaire la gourmandise qui ne légitime pas du tout cette démarche.Ca me semble sans commune mesure avec un nom de recette inexact ^^

    Sinon je ne suis pas une fan de la première heure de la margarine mais honnêtement dans les recettes où elle est utilisée ça passe vraiment très bien.

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  3. C’est vrai que vu comme ça…. 😉

    Aujourd’hui j’ai du mal à exprimer clairement mes pensées et ressentis, désolée.
    Mais je sais quand même que je suis psychorigide sur pas mal de sujets, des fois j’ai des buttages ou blocages complètement irrationnels sur des trucs, même moi je n’arrive pas à les démêler pour les comprendre.

    Je comprends en tout cas très bien ton point de vue sur les noms etc.
    Et quand je parle de respect pour l’appellation « boeuf » etc, c’est surtout pour le mot. Il y a des mots qui désignent certaines choses, un chat un chat, etc, et j’ai du mal à sortir de ces schémas.
    Comme je le disais, c’est l’Asperger et son syndrome qui font des leurs ^^

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  4. Je reviens avec une interrogation, qu’a soulevée mon Viking à propos du « foie gras » vegan aux truffes.

    Les truffes sont vraiment vegan ?
    Ça implique d’avoir un chien, un cochon… Pour les trouver, voire d’utiliser les mouches.
    Et ces animaux, il faut les sélectioner, les dresser, et les utiliser…

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    1. Je suppose que cela dépend du point de vue des personnes véganes, mais tu soulèves en effet un point plus que délicat, auquel je n’avais jamais réfléchi (les truffes ayant toujours été hors budget et n’en ayant jamais mangé de ma vie elles restent quelque chose d’un peu abstrait pour moi, je l’admets…). Aussi avais-je automatiquement songé à remplacer les truffes par des shiitakés ou des champignons de Paris le jour où je me déciderai à réaliser cette recette!

      On touche à ce qui différencie véganes abolitionnistes (contre l’utilisation quelconque des animaux -en dehors des zoos et des cirques bien sûr- pour toute forme de travail mené par les humains) et non abolitionnistes. J’ai toujours quelques difficultés à me placer dans ce spectre, (quid des chiens d’aveugles?), mais en l’occurrence, les truffes ne sont d’après moi pas véganes. Nous recourons aux animaux pour suppléer nos sens trop défaillants, mais il serait possible de faire autrement si la truffe est si précieuse à nos papilles (évidemment, un ramassage aux rayons X -extrapolons un peu- aurait quelque chose de vraiment très étrange).

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  5. Merci pour ta réponse !
    Et contente de t’avoir interpellée 🙂 ;P

    C’est vrai que pour moi, (et comme tu le sais) les animaux font partie de ma vie, impossible de dissocier les deux.
    Les chiens-guides m’étaient même pas venus à l’esprit.

    Ceci dit, les abo, (abolitionnistes plutôt ; « abo » est trop proche de l’abrégiation pour aborigènes, et c’est absolument incompatible pour moi), je les comprends encore moins.

    Refuser toute existence animale (puisque ça revient à ça si on suit ce raisonnement, les animaux de compagnie sont souvent vus comme n’étant là que pour le plaisir du deux-pattes associé) dans la société, c’est à mes yeux se couper totalement et radicalement de la nature et de « l’ordre des choses ».
    Ça implique de se reposer sur les machines pour tout ce qu’on ne peut pas faire ; industrialiser tout, à outrance ; pour les chiens-guides par exemple…
    On utiliserait alors des drones, des robots… ? Mais la dimension humaine, affective, la capacité de raisonnement du chien… Elle ne compte pas pour rien…

    Quand j’essaye de penser à ce genre de futur « abolitionniste », je n’arrive à visualiser qu’un monde triste et froid…
    Parce qu’il faut pas rêver, c’est pas parce que les gens n’auront plus que des machines qu’ils développeront plus de liens sociaux, y’a qu’à voir l’évolution ces dernières années, avec les smartphones et assimilés…

    De plus (mais je ne suis pas forcément sous le bon article), une question que je me pose, c’est comment réussir des cultures intensives avec des engrais naturels non animaux ?
    Parce que si tout le monde devenait vegan, il faudrait nourrir tout le monde… Et donc produire en très grandes quantités…

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  6. Génial, prochain achat ! Je suis ravie qu’un livre comme ça sorte, parce que je fais partie de ces gens un peu bizarre chez les végé/vegan qui n’ont jamais compris les détracteurs des similis carnés 😉 J’essayais petit à petit de me refaire tous ces plats que j’adorais version cruelty free, mais je coince sur certains… Merci pour la découverte 😉

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    1. De rien! Attends, j’ai encore mieux: Sebastien et Laura vont sortir un nouveau livre en avril aux editions la plage, intitulé « Ma petite boucherie vegan ». Je te conseille d’aller voir le sommaire sur le site de la plage, ça risque de t’enthousiasmer beaucoup 😀

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